LE FESTIVAL ADO #8 – Théâtre National Le Préau à Vire, Pascal Banning vous en parle…
« Il y a du théâtre qui s'écrit à partir du monde d'aujourd'hui
qui concerne pleinement la jeunesse. Le moment de la représentation nécessite cet indispensable éveil des sens et de l'attention. Se libère ensuite tout ce qui constitue l'environnement : une "dés-austérisation" du théâtre, la possibilité de la musique. L'identification et l'apprivoisement sur le temps long… »
#Le théâtre jeune public
Quelle place pour le texte ? Et la représentation ?
« Pour moi, le théâtre Jeune Public est une acception vaste et imprécise : jusqu'à quel âge doit-on considérer le spectateur comme "jeune" ? À l'arrivée de Pauline Sales et Vincent Garanger, la programmation a clairement glissé.
Le cœur du public jeune devenant l'adolescence, délimitée assez précisément de la 4ème à la Terminale (et au delà).
Mettre le théâtre en relation avec les adolescents est devenu depuis 2009 un enjeu principal du Centre Dramatique. Dans la programmation du Préau « dédiée » aux jeunes, c’est le texte d’abord ! Avec le festival ADO principalement, il s'agit de favoriser le rapprochement entre l'adolescent et les artistes par toutes les voies possibles (pratique du théâtre, organisation des événements, présentation de ses propres pratiques artistiques...) Ainsi, se définissent trois "statuts" du jeune dans sa relation au théâtre : spectateur, acteur et agissant, c'est à dire construisant sa place à partir de ses initiatives, de ses propositions, de son engagement bénévole. »
#Les écritures théâtrales jeunesses contemporaines
Ça vous dit quoi ?
« Si l'on considère le changement de stade (enfance / adolescence), il est possible d'envisager qu'il n'y a pas d'écriture théâtrale contemporaine à destiner spécifiquement à la jeunesse, aux jeunes. Il y a du théâtre qui s'écrit, aujourd'hui, à partir du monde d'aujourd'hui qui concerne pleinement la jeunesse. Le moment de la représentation nécessite cet indispensable éveil des sens et de l'attention. Il est alors possible de libérer tout ce qui constitue l'environnement : une "dés-austérisation" du théâtre, la possibilité de la musique, du mouvement, l'adresse et la prise en compte de l'autre, surtout le Jeune, l'identification et l'apprivoisement sur le temps long... Enfin, la réussite de cette rencontre repose sur la qualité des artistes et des œuvres, cela va de soi ! »
#En contact
« Le théâtre, le lieu d'où l'on voit » ; et la médiation dans tout ça ?
« La médiation passe par tous les chemins. La médiation réussie est celle qui a déclenché le libre arbitre. Au sein d'une équipe comme celle du Préau, chacun, à sa manière devient médiateur, pour rendre le chemin vers le théâtre intéressant, simple, sécurisant... avec l'espoir qu'il devienne un itinéraire régulier, exaltant, surprenant et enrichissant, durablement. Il est certain que les chemins des artistes permanents sont les plus courts et directs ! Pour les "médiateurs" en poste, ou ceux comme moi dont l'intitulé relève du "Service des Relations Publiques", cela devient l'activité principale. Je tiens à préciser toujours qu'il est question de "relations avec le public". La médiation est indispensable mais doit s'effacer pour laisser exister la libre relation entre le spectateur, jeune de surcroît, et le théâtre et ses artistes. »
#Qui êtes-vous ?
Votre lieu et le territoire dans lequel vous êtes implantés? Et quelques mots sur ses enjeux premiers ?
« Le Préau, Centre Dramatique National, est implanté à Vire, (la "plus petite ville siège de de France" avec moins de 13 000 habitants) au cœur d'un territoire que l'on peu qualifié de "rural" bien que l'activité agricole n'y soit plus aussi prédominante : le Bocage Normand, aux confins des trois départements ex-bas normands (la Manche, l'Orne et le Calvados). »
#Action(s) !
Si vous deviez nous parler d’un projet auprès et avec des jeunes ?
« Le défi d’une rencontre entre le public jeune adolescent et le théâtre, ici on l'appelle Festival ADO ! Défi dans lequel la jeunesse prend sa place, libre, imprévisible mais joyeuse et possiblement impliquée. C’est l’action phare du projet du Préau avec la tournée d’un spectacle créé chaque année pour l'événement. !
Nous sortons de la 8ème édition ! Le festival ADO, c’est quoi ?
5 jours, dans 7 lieux différents, 7 spectacles différents (soit 3 dans les lycées partenaires, 1 dans une salle municipale de diffusion, 2 en plein air et la création au Préau) pour un total de 24 représentations !
« Depuis huit éditions, on retrouve les trois catégories ados : acteur, agissant, spectateur. Les agissants étant les plus aléatoires, rôle fragile, car cela représente un engagement un peu ingrat dans le sens où tu n’es pas visible, “tu es au service de”. Autre évolution, on voulait depuis 3 ans étoffer au bocage, autour de Vire. Car nous sommes presque un centre de gravité, et on ne peut pas faire plus sur 5 jours à Vire. Alors on valorise le territoire. Un territoire rural oui, mais “culture et jeunesse” et non pas “andouille vache et champs”. On essaye alors de valoriser autant le processus de préparation du festival que l’évènement en lui même. On dit à tous les élèves et professeurs que le processus commence dès septembre. On sait que c’est une façon de créer de la relation continue et elle amène de plus en plus à banaliser le rapport au théâtre. L’idée de fond avec ce projet de festival est vraiment de désinstitutionnaliser, déformaliser. Il faut le dire, il y a pleins de paramètres qui créent des frilosités par rapport au théâtre. Le monde scolaire a son rythme et le théâtre a le sien, ce sont deux enjeux. Le théâtre ce n’est pas la tasse de thé de tant de gens que ça, d’où la nécessité que les adultes du projet soient dans le théâtre et viennent aussi dans les établissements. La proximité des deux aide beaucoup et fait un de nos atouts : on ne peut pas faire ce que l’on fait partout ! »
#En images ?
« Des affiches, des tracts, une plaquette de présentation, des conférences de presse...
On a développé la communication numérique: ‘Festival ADO’ sur Facebook, site du Préau...
Sans la certitude qu'elle déclenche nécessairement le désir de théâtre… Le meilleur argument ? L'impression générale que dégage ce mouvement massif de jeunesse et de bonne humeur qui rassemble par le Théâtre ! Le bouche à oreille vers les adultes et entre les jeunes qui, d'une année sur l'autre, installe le rendez-vous, sans même trop savoir de quoi il s’agit…
« Passez par Vire... c'est loin, toujours trop loin
mais malgré cette distance, c'est souvent une surprise
de voir toute la potentialité d'une politique publique
et la richesse d'un territoire qui n'y croit pas toujours... »
#En réseau & en coulisses
Pour le FESTIVAL ADO, comment s'est construit le partenariat entre les artistes et les enseignants ?
« Sans le relais des enseignants, le Festival ADO ne serait pas ce qu'il est! Par eux, en appui de la volonté "politique" des chefs d'établissements d'être associé à cette ambition artistique, culturelle et éducative, nous pouvons ouvrir les possibles pour 100% d'une population adolescente scolarisée à Vire de la 4ème à la Terminale !
Dès lors, chacun des jeunes prend sa décision d'aller plus loin... ou non. De toute évidence, les enseignants sont concernés par l'enjeu, pour eux même d'une part et pour "la cause culturelle" d'autre part.
La médiation qu'ils opèrent est très conséquente. »
#Et après ?
Les participants et leur entourage sont-ils devenus des fidèles du théâtre (du vôtre ou ailleurs...) ?
« Le territoire et ses structures considèrent le Festival ADO comme une évidence à ne pas manquer... Cela n'en fait cependant pas un moteur de construction d'un public acquis. L’enjeu éducatif qui rassure se mélange à la difficulté de faire entendre le théâtre d'écriture contemporaine qui ne correspond pas aux aspirations traditionnelles de la population. Quant aux jeunes eux-mêmes, impossible de savoir à quel endroit la trace du théâtre se sera déposée... Certains l'aiment, croient-ils, définitivement, d'autres ne le conçoivent que dans cette fête, ici et maintenant... Nous croyons que cette trace n'est pas vaine… qu'est-ce que la fidélité ? »
#Partage
À destination de ceux qui en savent peu sur vos métiers : une anecdote de coulisses à partager ?
« Pas de certitude, que de petites victoires, nombreuses :
Des adolescents qui expriment leur envie d'écrire... du théâtre, des skaters loin de nous mais dont on s'est suffisamment rapprochés pour qu'ils deviennent les interprètes d'un spectacle chorégraphique du Festival ADO#8, des jeunes filles de la Maison Familiale Rurale, le théâtre, des élèves qui convainquent leur enseignant d'EPS d'aller absolument voir "une pièce de théâtre"...
Ces petites victoires contribuent et dépassent, en importance, la progression de la fréquentation ! »
#Un mot, une idée, un rêve pour l'avenir ?
« Une citation de Léo Lagrange ;
"Aux jeunes, il ne faut pas tracer la route, il faut ouvrir tous les chemins." C'est vrai pour le théâtre ! »
Pour faire écho à vos projets ou être tenu au courant de la prochaine édition du Festival ADO,
rentrez en contact avec le CDN Le Préau :
Pauline Sales (auteure, comédienne) p.sales@lepreaucdn.fr
Vincent Garanger (comédien, metteur en scène) v.garanger@lepreaucdn.fr
Pascal Banning (responsable des relations avec le public, référent PNR et festival ADO) p.banning@lepreaucdn.fr