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Vadrouille chronique

Ils ne cessaient de répéter que c’était la vie, que l’on n’y pouvait rien, que tout finissait par passer, que l’on ne maitrisait que ses choix et que l’on ne pouvait pas changer les gens. Ils avaient allumé le bain de la fatalité et se noyaient matin, midi et soir dedans. Ils avaient peut être perdu leur doudou trop tôt, n’avaient surement pas connu cette potion que les mamans appellent par amour, ils n’avaient peut être pas assez osé être le chef d’équipe, pour voir ce que veut dire choisir, condamner et faire souffrir. N’empêche que les anonymes qui se prennent pour des rois et les fourmis qui triment, hier aujourd’hui ou demain, seront plus ou moins les mêmes. Des rêves trop gros pour nos ventres existent-ils ? L’excentricité est-elle indigeste pour ceux qui jugent ou à l’autre extrême de la barque, ceux qui perdent pieds dans les filets ? Au milieu des foules éparses, pouvait naitre un confort étourdissant, proche de celui d’un couffin, débordant d’énergies aussi précieuses, lointaines, incompatibles, complémentaires que dangereuses. 

Il n'y avait toujours aucun train à quai. 

 

Il y en a pleins qu'elle ne voyait pas, et beaucoup encore qu'elle ne voulait pas rencontrer, indifférente à leurs chemins. 

 

Une femme criait. Elle était là juste devant, à deux mètres. Elle criait puis reprenait son cirque plus modéré avec ses voies à l'intérieur, animées par une profonde colère. Moby lui, chantait sa rage. Elle ne voyait alors que sa peau noire bouger d'avant en arrière, faisant bondir son corps élégant pour se rassoir aussi vite. Ses petits yeux noirs vissés droit devant, comme plantés dans un

décor qu'ils auraient détruit de toute pièce s'ils en avaient eu le pouvoir.

Autour, dans la réalité qui vrombissait vers le prochain arrêt, les provisoires retenus du wagon dissimulaient leur mal aise en parant leurs visages de sévérité.

« Ah la pauvre dame, elle est perdue », devaient-ils surement se dire. Elle ne l'entendait pas et devinait seulement ses mots haineux contre la terre entière. D'un petit sourire, elle était la seule à la regarder sans avoir peur, étant visiblement la plus audacieuse, ou la plus déraisonnée de prendre cette inconnue pour créature crédible.

 

On ne s'attarde pas ici.

Une femme sur un banc froid. Une mitraillette juste en face d'elle. A deux

centimètres. De ses rondes cuisses, on devinait la peine soulager de s'assoir qui avait été troublée par ces trois uniformes.

À ses pieds, la fautive cigarette.

Il y en a plein comme eux, qu'elle voyait de ses yeux silencieux, puis beaucoup encore qu'elle ne voulait pas rencontrer, indifférente à leurs chemins. C'était sans doute ça le pire. L'indifférence. Et le plus honnête.

Les tiges qu'étaient nos corps, biscornues et rondes, allaient et venaient dans ces boites métalliques avec pour seule limite, une dose de politesse parfois pas plus grande qu'un sac de billes. Tout le monde le savait, que cet endroit labyrinthique

faisaient s'évaporer les bonnes manières, les oreilles bouchées, les regards aux aguets et sévères ou abstraits.

 

Ceux qui se pavanent, qui magouillant, qui mâchouillent, qui marmonnent, les

absorbés par les petits trous de verre qui gerbent des paroles dans tous les

langues, tels des puits transparents où la curiosité piquent des têtes à tout moment de la journée. Pause.

 

Un inlassable fourmillement, voilà ce que l'on créait sous terre. On arpentait sans relâche des sillons avec de petites bousculades et oeillades, grouillant et brouillant les pistes avec une rapide cadence. Les coulées de béton piétinées entrecoupent les marches qui se creusent pendant que les trajectoires, devenues quotidiennes pour les discrets fidèles, dans une frénésie à devenir fou, écartaient

d'un coup d'épaule les novices fraichement débarqués.

Elle passait par là elle aussi, se mêlant aux flux tendus des passants, morcelés par ceux qui sans se voir et par mégarde, se rentrent dedans. C'est tout. Il n'y avait rien de magique, rien de caché, de poussiéreux à déterrer, pas de feu oublié au fond d'une forêt. Le bois est mouillé. Rien de joliment lucide à

infiltrer dans ces cerveaux concentrés et remplis de priorités, aucune saveur à humer, l'ennui occupant tous les fuseaux, aucune inspiration possible, la peur et la peine pourrissant au fond de leurs abîmes lustrés aux paillettes.

 

Regardez-les avec amour et amitié, c'est gratuit et possible : ils sont si beaux comme ça, dans leurs allures d'humains robotiques heureux.

 

Et puis il y a eu cette vague qui portait ces tiges de corps qui frappaient le sol d'un pas mal réveillé mais déterminé. Dans l'air flottaient leurs murmures, on sentait grésiller à l'unisson leurs complots, comme des plans pour l'avenir un peu plus ambitieux les uns que les autres.

{Extraits, visions}

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